Plus que jamais, les studios de design graphique interrogent leurs modes de fonctionnement, leurs valeurs et leur rapport à la commande. Freelance collectifs, studios nomades, hybridations culturelles, postures éthiques : le paysage s’est radicalement transformé depuis 2020. Cet article ouvre la voie au numéro 277 d’étapes, à paraître en septembre, consacré aux studios de création d’aujourd’hui. En attendant sa sortie, exploration de ces nouvelles formes de faire studio.
Le studio graphique, un modèle en mutation
Pendant plusieurs décennies, le terme « studio » évoquait une entité clairement identifiable : un lieu fixe, souvent urbain, où une équipe réduite conçoit des affiches, identités ou éditions pour des clients institutionnels ou culturels. Le modèle était stable, ancré dans une logique de production linéaire, souvent hiérarchique. Puis 2020 a bousculé l’ordre établi.
La crise sanitaire a forcé au télétravail, au ralentissement, à la prise de recul. Beaucoup de graphistes ont remis en question le sens de leurs projets, leur rapport au client, au temps, au collectif. En parallèle, l’accès démocratisé à de nouveaux outils de collaboration et la fragilité des structures ont conduit à une multiplication de modèles alternatifs. Aujourd’hui, le mot « studio » ne désigne plus seulement un lieu, mais une posture.
Vers de nouveaux archétypes de studio
Le collectif freelance
Ils ne partagent pas toujours les mêmes murs, mais ils partagent des valeurs, des projets, des ressources. Le collectif freelance est une forme souple et résiliente : un regroupement de professionnels indépendants qui mutualisent leur communication, leurs compétences, voire leur facturation.
Ce modèle horizontal valorise l’autonomie, la cooptation et la responsabilité partagée. Il répond à un besoin de solidarité dans un univers souvent précaire. Il questionne aussi la notion d’identité de studio, fondée ici non sur une entité juridique ou une signature graphique, mais sur un écosystème mouvant.
♦ Dans le numéro 277 : découvrez plusieurs collectifs qui ont fait de cette souplesse un moteur de création.
Le studio nomade
Certaines agences ont fait le choix de la mobilité : travailler depuis plusieurs villes, se relocaliser en milieu rural, s’affranchir des loyers ou du modèle « 9h-18h bureau ». Le studio nomade est souvent hybride, mêlant production graphique, écriture, photographie ou activités éditoriales.
Les outils collaboratifs comme Figma, Notion ou Slack permettent une réactivité nouvelle. Mais le défi réside dans la gestion du collectif à distance, la préservation d’une identité partagée et la relation client dématérialisée.
L’hybride culturel / web / print
Un nombre croissant de studios refusent d’être enfermés dans une discipline unique. Ils conçoivent des identités graphiques pour des labels de musique, publient leurs propres fanzines, codent des sites web ou montent des résidences artistiques.
Cette porosité entre les formats permet une créativité débordante et brouille les frontières entre art, design, contenu et activisme. Ce sont souvent des studios auto-initiés, qui produisent autant qu’ils répondent à la demande.
La « slow agency »
Réduire le nombre de projets, choisir ses clients, valoriser la coopération sur la compétition, ralentir la cadence : certains studios optent pour une posture engagée, en opposition à l’accélération de la production visuelle.
Cette « slow agency » assume un graphisme d’attente, de soin, souvent local et ancré. Le design y devient autant une médiation qu’une proposition plastique. Le temps long y est revendiqué comme condition de qualité.
♦ Dans le numéro 277 : rencontre avec plusieurs studios qui ont fait du temps un outil critique.
Travailler autrement, produire autrement
Au-delà des structures, c’est tout le rapport à la production graphique qui se transforme. De nombreux studios considèrent désormais leur espace de travail comme un outil évolutif : bureau flottant, atelier ouvert au public, plateforme collaborative.
Les outils numériques permettent de décentraliser la création sans la déshumaniser. Mais ce sont surtout les valeurs qui évoluent : attention portée à l’impact environnemental, refus de certaines commandes, désir d’expérimentation non marchande, recherche de sens. Le studio n’est plus une entreprise, mais une manière d’habiter le monde graphique.
📅 Rendez-vous en septembre :
Le numéro 277 d’etapes mettra en lumière quelques studios de design graphique, en France et à l’international. Du studio éditorial au collectif pluridisciplinaire, ce dossier spécial explore les nouveaux lieux, rythmes et ambitions des créateurs contemporains.
En kiosque mi-septembre.
Le studio n’est plus un lieu. C’est une posture.