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mardi 16 septembre 2025
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Diriger comme si la créativité comptait vraiment

IA, branding et leadership : plaidoyer pour une stratégie créative assumée

Alors que l’intelligence artificielle bouleverse nos méthodes, nos métiers et nos repères, une question centrale émerge : dirigeons-nous encore comme si la créativité avait de la valeur ?

Dans les agences, les studios comme dans les directions de marque, la créativité est fréquemment célébrée dans les discours, valorisée dans les intentions, mais reléguée dans les faits. Trop souvent, les décisions qui orientent les budgets, les délais ou les ressources obéissent à une logique d’optimisation, d’automatisation, de rendement. Or la création, par essence, échappe à ces cadres. Elle suppose du temps, de l’exploration, des ruptures. Elle n’est ni immédiate, ni linéaire, ni entièrement prédictible.

Avec l’arrivée massive des outils d’intelligence artificielle, capables de générer du texte, de l’image, du code ou des interfaces à la demande, cette tension devient plus visible. L’IA promet des gains de productivité, des solutions rapides, des contenus “prêts à diffuser”. Face à cela, le risque est réel : considérer la création comme une variable d’ajustement, un luxe esthétique que l’on s’accorde après l’essentiel. Il est pourtant urgent de rappeler que la créativité n’est pas un supplément d’âme. C’est un outil stratégique, une ressource décisive, un espace de sens.

Créer, ce n’est pas produire plus vite. C’est produire autrement. L’IA synthétise ce qui existe, reformule, adapte, génère. Mais elle ne dérange pas. Elle ne remet pas en cause. Elle ne raconte rien de nouveau. Ce qui différencie l’humain, ce n’est pas seulement l’intuition ou l’émotion, c’est la capacité à penser l’inattendu, à construire une vision, à proposer des formes qui ne se déduisent pas de la base de données. En ce sens, l’IA ne remplace pas la créativité : elle nous oblige à la redéfinir, à en retrouver la puissance critique.

Pour que la créativité continue à jouer un rôle structurant dans les organisations, il faut lui redonner un statut réel. Cela implique de diriger autrement. Concrètement, cela suppose de réaffirmer la valeur du temps long, de sanctuariser les phases exploratoires, d’accepter les imprécisions provisoires, de favoriser les démarches non linéaires. Cela suppose aussi de revaloriser le regard des designers, des graphistes, des concepteurs, non comme exécutants, mais comme parties prenantes de la réflexion stratégique. Il faut les inviter à la table des décisions, les écouter quand ils parlent de tension visuelle, de cohérence narrative, d’éthique de la forme. Il faut également former à la créativité comme on forme à l’analyse : développer la capacité à observer, à interpréter, à imaginer des hypothèses formelles.

Diriger comme si la créativité comptait vraiment, c’est aussi assumer que toute stratégie a une dimension sensible. C’est reconnaître que la perception d’une marque ne repose pas uniquement sur son positionnement rationnel, mais sur l’ensemble de ses signes, de ses gestes, de ses silences. C’est admettre qu’un bon concept graphique peut avoir plus d’impact qu’un argumentaire calibré, qu’un système visuel puissant peut générer de la confiance, de la projection, de la fidélité.

Enfin, c’est faire un choix politique. Défendre la créativité dans un monde qui standardise, qui compresse, qui automatise, c’est résister à l’appauvrissement du regard. C’est croire encore à la capacité des images, des mots, des rythmes, des mises en page à produire de la pensée. C’est affirmer que les marques, les institutions, les médias ont besoin de forme autant que de fond, et que ce travail de la forme ne peut être abandonné aux seuls algorithmes.

Diriger avec créativité, ce n’est pas gérer les risques. C’est poser des questions, oser des écarts, créer des possibles. Ce n’est pas aller plus vite. C’est aller plus juste. Si nous voulons que la créativité continue à compter, il faut la faire compter dans nos choix, dans nos structures, dans nos calendriers. Et pour cela, il faut commencer par diriger comme si elle comptait vraiment.

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