D’après un article Creative Boom
Un nouveau magazine qui réinvente la créativité à travers un regard féminin
Le paysage éditorial du design accueille un nouvel acteur : Designfully, un magazine imprimé, indépendant, publié en anglais, qui revendique une ambition simple mais rare — repenser la créativité en la regardant à travers une perspective féminine. Le projet ne se contente pas de mettre en avant des femmes créatives, il tente de redéfinir ce que signifie créer, documenter, transmettre ou détourner des images quand le regard dominant n’est plus celui auxquels les industries visuelles se sont habituées depuis des décennies.
Cette initiative est née d’un constat : la création est saturée de récits construits par les mêmes voix, la même grammaire visuelle, les mêmes codes d’autorité. Avec Designfully, les fondatrices — issues du design éditorial, de la direction artistique et du journalisme — proposent un espace imprimé capable de déplacer légèrement la scène, assez pour faire affleurer des sensibilités moins représentées. Ce déplacement n’est pas un manifeste ; c’est une manière différente de donner du poids à des trajectoires, des doutes, des expérimentations.
Selon Creative Boom, qui a révélé le lancement du magazine, Designfully se concentre sur des histoires intimes, des pratiques discrètes, des ateliers qui n’ont jamais eu l’occasion de trouver une place dans la médiatisation classique du design. Le magazine privilégie les voix qui travaillent en marge des structures dominantes : illustratrices qui explorent le corps autrement, designers textiles qui repensent la matière par l’expérience, photographes qui interrogent la représentation des femmes en contexte commercial, studios où la collaboration prime sur la signature individuelle. Dans les premiers extraits dévoilés, on perçoit un refus des récits héroïques, préférant à la figure du “creative genius” masculin une cartographie plus fragmentée, plus sensible, où les processus comptent autant que les résultats.
Ce qui distingue Designfully d’autres titres imprimés récents réside dans son traitement éditorial : les sujets ne sont jamais isolés de leurs environnements sociaux. Les projets sont racontés en relation avec les conditions de travail, les dynamiques d’équipe, les imaginaires, les fragilités, les choix politiques implicites. Le magazine crée une passerelle entre la création visuelle et des réalités plus larges : le rapport au temps, à la charge mentale, à la manière dont les femmes créent dans des industries encore traversées par des asymétries. La forme même du magazine — une mise en page aérée, volontairement non spectaculaire — accompagne cette volonté de défaire le culte de l’image performative.
La publication imprimée, en 2025, n’a évidemment rien d’anodin. Il faut une certaine conviction pour investir dans un objet physique alors que la visibilité se joue désormais en flux continus sur les plateformes. Designfully choisit volontairement l’inverse : la lenteur, la matérialité, la lecture réfléchie. Ce choix renforce sa cohérence : donner de l’espace à des récits qui requièrent du temps, et non des algorithmes. Là où Instagram ou TikTok fragmentent le regard, le magazine se présente comme un lieu où il peut enfin se déposer.
Si le projet suscite l’intérêt, c’est également parce qu’il arrive à un moment où la question de la représentation dans le design n’est plus périphérique. Les studios, les écoles, les revues interrogent leurs manières de raconter la création. L’émergence d’un magazine imprimé dédié à une perspective féminine n’est pas un simple phénomène éditorial ; c’est le signe qu’un vide existait et qu’il est désormais reconnu. Creative Boom souligne d’ailleurs que la force de Designfully ne réside pas dans la revendication, mais dans la nuance. Le magazine ne cherche pas à imposer un discours féministe univoque ; il cherche plutôt à montrer ce que produisent les créatrices quand on leur donne un espace éditorial respectueux et ample.
Designfully se positionne donc comme un objet culturel plutôt que comme un simple magazine de design : un lieu où des récits visuels prennent une forme qui échappe à la vitesse contemporaine, un espace qui refuse la mise en scène excessive pour s’approcher de gestes créatifs souvent invisibles. Le choix du papier n’est pas nostalgique ; il est nécessaire. Il marque une volonté de fixer des voix et des regards qui, ailleurs, se perdraient dans le flux.
En documentant la création “à travers un regard féminin”, Designfully ne ferme aucune porte. Au contraire, il en ouvre plusieurs : celle d’une autre manière de composer un numéro, d’écrire un article, de photographier un atelier, de représenter une idée. Il ne revendique pas un autre monde du design ; il donne simplement à voir celui qui existait déjà, mais que personne ne regardait assez longtemps.
Plus d’infos : https://www.design-fully.com/
