Une typographie d’affichage qui se joue des contrastes et des intentions
Typographie d’affichage à la fois élégante et légèrement indocile, Clearly conjugue finesse old-style, accents victoriens et tensions contemporaines. Avec ses courbes douces et ses terminaisons tranchantes, elle trouve sa place là où l’on cherche à affirmer une voix graphique singulière sans ostentation. Une fonte qui sait captiver sans hausser le ton.
Certains caractères s’imposent par excès, d’autres séduisent par discrétion. Clearly, récemment enrichie par Big Fog Foundry, s’inscrit dans une autre catégorie : celle des typographies à double lecture, capables de porter une tension visuelle sans jamais la résoudre.
D’abord lancée en 2023 dans un seul poids Light, cette fonte flammée conçue par Brian Dove est désormais déclinée en une famille complète de sept graisses, de Light à Black.
Pensée pour les titres, les identités et les usages d’affichage, Clearly n’est pas neutre. Mais elle ne cherche pas non plus à s’imposer par force. Elle occupe un espace liminal entre tradition typographique, expression contemporaine et ironie formelle.
Une fonte en équilibre instable
Le premier regard sur Clearly révèle un dessin précis, équilibré, presque classique. Mais très vite, certains détails dévient : une courbe douce ici, un terminaison tranchante là, un angle inattendu, une aperture légèrement dramatique.
Ce sont ces petites torsions qui font la personnalité de la fonte — et qui créent cette impression de tension maîtrisée. Clearly ne cherche pas la régularité : elle joue sur les contrastes d’humeur.
Inspirée par les serifs Old-style et certains ornements victoriens, la typographie conserve une verticalité élégante, mais jamais figée. Elle semble constamment osciller entre fragilité et autorité, entre élégance affichée et excentricité retenue.
Condensée, mais jamais étriquée
L’un des atouts majeurs de Clearly, surtout dans ses poids légers, est sa condensation maîtrisée. Les lettres sont fines, étroites, mais gardent une générosité dans l’espacement et les contre-formes.
Cette qualité la rend idéale pour des usages où l’on cherche à faire entrer du texte en grand format sans étouffer la lecture : titres de livres, affiches littéraires, noms de marque à forte dimension narrative.
Dans les graisses plus sombres, Clearly gagne en impact visuel : le contraste s’affirme, les empattements se densifient, les formes deviennent presque sculpturales — sans jamais basculer dans la caricature.
Suggestions d’usage : sérieux, avec une touche d’ironie
La fonderie recommande Clearly pour des usages allant du logotype au portail en fer forgé, en passant par des domaines plus inattendus : marquage pour salon funéraire, poésie typographiée, ou couvertures de romans victoriens fantasmés.
On perçoit ici un humour discret, une conscience de la charge culturelle de la fonte — mais aussi de sa capacité à la détourner subtilement.
Clearly n’est pas faite pour tout. Elle ne se pliera pas facilement à une grille rigide, ni à une hiérarchie typographique trop stricte. Mais elle brillera dans des projets d’auteur, des campagnes à tonalité narrative, ou des designs éditoriaux qui aiment jouer avec les registres.
Une typographie qui fait image
Clearly n’est pas une fonte de fond. C’est une voix secondaire qui attire l’attention. Un titre qui se retient. Elle fonctionne dans le contexte — mais ne cherche pas à s’y fondre.
Elle peut cohabiter avec des linéales modernes, mais demande une certaine retenue dans l’environnement typographique global. Elle fonctionne par contraste, visuel comme conceptuel.
Comme souvent dans les typographies de Brian Dove, on sent l’amour du détail historique, sans nostalgie. Une envie de reprendre les codes anciens, pour les glisser dans un cadre contemporain, parfois légèrement décalé.
Clearly ne prétend pas révolutionner l’histoire du serif. Elle crée un trouble, un écart — et c’est ce trouble qui la rend précieuse.
