Intimisme & estampe moderne : regards croisés entre la France et la Belgique
Crédit visuels : Musée de Gravelines
À partir du 22 juin 2025, le Musée de Dessin et de l’Estampe originale de Gravelines dévoile une programmation ambitieuse et doublement captivante : une grande exposition intitulée Intimisme – Affinités graphiques franco-belges, 1850-1900 ainsi qu’une relecture précieuse de L’Estampe moderne, cette revue emblématique de la Belle Époque. En contrepoint, la plasticienne Annabel Schenck y présente une œuvre immersive inédite dans les salles voûtées du demi-bastion. Trois propositions, trois échelles du sensible, une même invitation : entrer dans l’intimité du trait, du regard et de la mémoire.
Un art de la suggestion et de la confidence
Si le terme « intimisme » évoque généralement un art du quotidien, de la sphère privée et des sentiments feutrés, l’exposition proposée par Virginie Caudron et Véronique Blondel l’élargit au champ de l’estampe entre 1850 et 1900. En explorant les liens entre artistes belges et français, elle met en lumière une esthétique commune : celle d’un regard attentif, souvent mélancolique, porté sur l’individu, la nature, la femme, le travail ou la mort.
Des figures majeures comme Félicien Rops, James Ensor, Théo van Rysselberghe, mais aussi Albert Besnard, Maximilien Luce ou Suzanne Valadon déploient leurs univers en noir et blanc ou en couleurs sourdes. Loin des grands formats académiques, ils préfèrent les confidences graphiques, les scènes de vie discrètes, les paysages crépusculaires ou les portraits capturés à la pointe sèche.
Une géographie esthétique franco-belge
Entre Bruxelles et Paris, les liens sont nombreux à cette époque : expositions universelles, sociétés d’artistes, amitiés littéraires (Victor Hugo, Baudelaire, Verhaeren…), échanges de techniques. L’exposition dévoile ces dialogues à travers plus de soixante œuvres, réparties en thématiques sensibles : la femme comme muse ou figure fatale, la nature comme miroir intérieur, le travail comme sujet de compassion sociale, la mort comme double érotique.
Chaque section révèle la richesse du médium gravé, son pouvoir évocateur et sa capacité à suggérer davantage qu’à montrer. L’intimisme devient alors un style, mais aussi une posture de l’artiste : celle de voir le monde à hauteur d’émotion.
L’estampe moderne : un Art nouveau imprimé
En écho, l’exposition L’Estampe moderne – La lithographie en couleurs, 1897-1899 met en lumière une revue mythique publiée à la fin du XIXe siècle. Véritable manifeste graphique, elle réunit Mucha, Puvis de Chavannes, Lepère, Rhead ou Berchmans, illustrant un moment-clé de l’Art nouveau.
Le musée présente 40 lithographies originales issues de cette publication, témoignant d’un âge d’or de l’image imprimée. Féminité symboliste, motifs végétaux, arabesques sensuelles : chaque estampe est un bijou d’élégance graphique. Dans un monde saturé d’images numériques, ce retour à la planéité maîtrisée et à la chromie raffinée offre un souffle bienvenu.
Annabel Schenck : un dialogue contemporain avec Doré
Enfin, dans un geste audacieux et contemporain, la plasticienne Annabel Schenck investit l’espace souterrain du musée avec Croire au monde, une installation monumentale en gravure. Entre souvenirs familiaux, mémoire de guerre et références à Gustave Doré, ses œuvres — Marche d’approche et Dérive contemporaine — proposent une traversée poétique du paysage et de l’âme.
S’ancrant dans l’histoire du lieu et de la gravure, elle joue des échelles, des textures et du noir profond pour créer une expérience immersive. Le visiteur devient promeneur, guetteur, naufragé ou survivant : une manière puissante de réactiver les héritages graphiques du passé pour mieux interroger notre présent.
À voir aussi
- Plus de 27 000 estampes à découvrir dans les collections permanentes du musée : de Dürer à Hokusai, de Goya à Picasso.
- Un catalogue d’exposition de 80 pages est disponible à la boutique (29 €).
- De nombreux ateliers, stages, et rendez-vous culturels accompagnent la programmation (lithographie, gravure, visites guidées…).
📍 Musée du Dessin et de l’Estampe originale – Gravelines
Intimisme : du 22 juin au 9 novembre 2025
L’Estampe moderne : du 22 juin au 12 octobre 2025
Annabel Schenck – Croire au monde : du 22 juin 2025 au 31 mai 2026
🔗www.musee-estampe.fr
